silentlambs.jpgDepuis les procès fleuves qui ont opposé la direction américaine des Témoins de Jéhovah à 13 victimes d'abus sexuels qui l'accusaient de les avoir fait taire, la critique de la pédophilie chez les Témoins de Jéhovah devrait se tarir. Ces procès ont bien sûr été arrangés à l'amiable comme la loi américaine le permet, à grand coup de millions de dollars. Néanmoins il n'y a plus depuis, de nouvelles affaires récentes qui apparaissent, y compris aux États-Unis (dernier bastion de la politique ancienne) sur ce thème. Les nouvelles concernent toujours des affaires d'étouffement dans les années 90, au pire pour les USA jusqu'en 2006.

Dans ce cadre, les Témoins de Jéhovah seraient-ils entrain d'amorcer une nouvelle stratégie de défense sur ce sujet plus offensive, après avoir pratiquer l'évitement et le dos rond pendant des années face aux médias dans ces affaires(voir à ce sujet la communication désastreuse de ceci dans une suite d'émissions télévisées).

Il est clair qu'en Octobre 2007, le mouvement publiait un nouvel article dans sa revue "Réveillez-vous" sur le sujet des abus sexuels sur enfants en direction des parents. Dans celui-ci, le mouvement prétend qu'un encadré stipulait qu'il existe des "obligations légales de dénonciation des faits d'atteintes sexuelles sur mineurs", malheureusement l'article Web en lien au début de cette phrase a fait disparaître cet encadré, et je ne peux le vérifier. Ce n'était pas la première fois que le mouvement abordait le sujet, en 1985 et 1997, ils l'avaient déjà fait. Pour Barbara Anderson, qui a été chercheuse au siège mondiale, l'article de 1997 est le résultat de la controverse interne sur le sujet, car de nombreux cas étaient présentés à la maison-mère et plusieurs dirigeants du Béthel s'étaient ému du manque de justice interne sur ce sujet.

Cet article, qui a mis plusieurs années à paraître en raison des dissensions internes, amenait un nouveau point : "même si les lois varient selon les pays, l'agresseur encourra sans doute une sanction pénale, sous la forme d'une peine de prison par exemple. La congrégation ne cherchera pas à l'y soustraire.". Il s'agissait d'une avancée qui fera extrêmement plaisir à Barbara Anderson à l'époque, jusqu'à ce qu'elle se rende compte que SEULES les victimes pouvaient porter plainte ou leurs parents, ce qui excluait un grand nombre de cas notamment d'inceste, que les victimes pouvaient porter plainte sans sanction du mouvement, uniquement si elles pouvaient apporter deux témoins aux faits incriminées, si elles ne le pouvaient pas "la congrégation" considérait par l'intermédiaire de ses responsables qu'il s'agissait de calomnie et pouvait même théoriquement les sanctionner (dans la majorité des cas, cela avait un effet dissuasif), enfin en cas de plaintes et de procès, "la congrégation" toujours en la personne de ses responsables refusait de collaborer avec la police et la justice en refusant de communiquer ce qu'ils avaient pu savoir de l'affaire, sous le couvert du secret confessionnel ou professionnel suivant les pays, pouvant entrainer ainsi des non-lieux. Bref 1997, était une avancée, les victimes reconnues comme telles par le mouvement pouvaient porter plainte, sans entrave de la "congrégation" mais sans aucune aide non plus.

clip_image004552-18d9f.jpgNous avons des preuves de cette politique de confidentialité par un document belge de 1995 (ci-contre, fourni par Jacques Luc), un texte dicté aux anciens français en 1997 tel que Alain Berrou a pu témoigné dans une émission de Canal+[1]. Pour ce qui est des deux témoins, les dirigeants Témoins ne cachent pas dans leur communiqué anglais de 2003 sur les affaires de pédophilie, que c'est encore la règle en ce qui concerne une action religieuse punitive du mouvement ( "If during that meeting the accused still denies the charges and there are no others who can substantiate them, the elders cannot take action within the congregation at that time"), ils oublient de dire que l'avis de l'autorité religieuse est normative pour l'ensemble du groupe, ainsi des pédophiles Témoins de Jéhovah reconnus coupable par la loi et non par le mouvement, ont pu après leur sortie de prison, revenir dans leur congrégation, avoir des responsabilités, et même fréquenter dans leur lieu de culte leurs anciennes victimes, sans que les victimes aient le droit de se plaindre, à moins de se faire accuser elles-même de "calomnies", ce qu'elles ne préfèrent pas essayer.

Néanmoins depuis longtemps, des législateurs avaient prévu que même des dirigeants religieux devaient dénoncer ou signaler à la police toute accusation de viols fait sur enfants, bien avant ou pendant la controverse interne sur le sujet, or dans ces cas le mouvement a appliqué la loi tout en tentant au maximum de ne pas s'impliquer dans le processus, pour sûrement tenter de préserver au maximum la confidentialité. L'affaire Vicky Boer a démontré, qu'au Canada, en fin de compte, et après bien des rebondissements sur l'interprétation de Matthieu 18, donc de la règle des deux témoins, sur lequel le tribunal se trompe dans ses conclusions comme le montre la lettre anglaise produite ci-dessus (le tribunal en arrive à la conclusion que la règle des deux témoins ne s'appliquent pas chez les TJ sur les affaires de viols sur enfants contrairement à ce qu'affirment en 2003 les dirigeants TJ), les TJ appliquent la loi canadienne qui depuis 1988 demande de dévoiler le viol aux autorités, tout en essayant que ce soit la famille ou le coupable qui se dénonce, néanmoins ils vérifient bien en fin de compte que le coupable se soit dénoncer suivant ce que demande la loi. (" What is clear from the document is that the official policy of the church was to report child abuse cases to child welfare officials. Further, the policy advises that elders as ministers have a positive duty to ensure that child abuse is reported. Although the policy suggests it is permissible to require the offender or family members to report the matter to their own physician who would then have a duty to report, the policy also emphasizes the need for the elder to follow up to ensure that the reporting in fact occurred. ")

child_abuse_telememo_1.jpgAux USA, si la logique de la procédure est la même (les dirigeants locaux dénoncent le coupable en dernier ressort quand la loi de l'état oblige à le faire),les Témoins ont néanmoins trouvé une faille dans les lois des différents états américains qui demandent de dévoiler l'affaire aux autorités pour ne pas s'impliquer dans le processus. Ces lois n'explicitent pas le "comment" de l'alerte aux autorités. Dès lors les dirigeants témoins américains, se voient ordonner de dénoncer anonymement les abuseurs, par exemple d'une cabine téléphonique, témoin ce document officiel du mouvement qui indique aux conseillers téléphoniques de la maison-mère la démarche à prescrire aux dirigeants locaux dans ce genre d'affaires (. Voir si-contre. Bien sûr dans les états qui n'ont aucune loi sur le sujet, les dirigeants locaux ne dénoncaient toujours pas.) Peux-t-on raisonnablement penser que la police lance une enquête après une dénonciation téléphonique anonyme ? Ce n'était pas le problème des Témoins de Jéhovah.

On parlera rapidement de la France, pour ceux qui ne connaissent pas le sujet, plusieurs affaires sont passées devant les tribunaux ou dans les médias, elles concernaient des faits datant au maximum d'avant 1996. Comme notez plus haut en 1997, le secret de confession était encore la norme, bien que la victime puisse porter plainte (ce qui est une avancée par rapport à certains faits). Néanmoins deux procès (Dijon et Pézenas) ont vu les dirigeants locaux Témoins de Jéhovah condamnés pour leur silence (bien avant l'affaire de Monseigneur Pican en 2001). Pour une de ces affaire les Témoins iront jusqu'à la cassation en 2000 et perdront. Depuis les dirigeants Témoins collaborent avec la police, ce qui n'empêche pas qu'ils peuvent encore avoir une interprétation différente de la justice sur la culpabilité (religieuse) du violeur tel le dernier fait en date.(voir aussi le forum de la victime)

D'après nos dernières informations, encore à confirmer, depuis le Réveillez-vous de Octobre 2007, la pratique internationale est de dénoncer aux autorités les faits de pédophilie même hypothétiques suivant la règle des deux témoins qui régit le comportement du mouvement face à ce genre de faits.

Pour en revenir à la communication du mouvement, on peut noter que dès le début de la controverse public le mouvement décide de ne pas parler aux médias, voire même d'excommunier les critiques comme Bill Bowen, ce sera l'attitude envers les médias jusqu'en 2007, avec une variante de taille, le mouvement décide d'attaquer les médias en Suisse, au Danemark où elle attaque tant une chaine de télévision que le journal Ekstra Bladet, ou de leur faire peur en France comme pour le reportage de Canal+ ("Alors nous avons sollicité les Témoins de Jéhovah, malheureusement ils ont refusé de nous accorder une interview, en revanche ils nous ont écrit plusieurs courriers, comme chaque fois qu'on s'attaque aux sectes. Il y a des lettres d'adeptes qui reviennent sur leur témoignage, les avocats qui nous menacent de poursuites si on diffuse l'enquête et puis les Témoins de Jéhovah eux-mêmes qui contestent en bloc tout ce qui est dit dans cette enquête. Evidemment nous maintenons les informations qui ont été vérifiées...") , à chaque fois elle se fait éconduire et ternie son image.

A partir du Réveillez-vous de 2007, et de la controverse de l'affaire de Saint Dié en Janvier 2008 (seul lien restant même si des informations dans celui-ci sont inexactes) tout du moins en France, la stratégie devient différente, les dirigeants nationaux acceptent d'apparaître dans un reportage et d'être interroger.

La chronologie est la suivante:

  • 10 janvier: Mise en examen d'un témoin de Jéhovah qui aurait violé une jeune fille qui vient de se suicider.
  • 18 Janvier: Le mouvement publie une mise au point sur son comportement face aux affaires de pédophilie.
  • 27 Janvier: TF1 fait un reportage sur l'affaire. La fille a bien été violée en prédication. Les dirigeants locaux TJ étaient au courant, mais en raison de la règle des deux témoins, ils n'ont pas dénoncé les faits à la police, ni fait quelques chose (année 90). L'agresseur supposé nie les faits.
  • 7 Avril : Les Témoins de Jéhovah reçoivent les présentateurs de l'émission "Complément d'enquête" dans une sorte de "journée portes ouvertes", le dirigeant Guy Canonici promet que les faits de Saint Dié, ne se produisent plus chez les Témoins de Jéhovah.
  • 1er Octobre 2008 : 1000 témoins de Jéhovah manifestent contre les accusations de pédophilie à Epinal suite au passage de Bill Bowen, de l'association américaine Silentlambs.

Il faut dire que Silentlambs tout comme Charline Delporte, a toujours été un militant virulent, n'ayant pas peur dans l'affaire Vicky Boer déjà évoquée ou dans des parties de son site sur les meurtres commis par, selon lui, des Témoins de Jéhovah de grossir voire mentir sur les faits pour mieux les dénoncer. Si les fidèles Témoins de Jéhovah à l'image des dirigeants n'osaient pas l'attaquer directement tant médiatiquement que judiciairement tant la majeure partie de son attaque était justifiée, maintenant que la donne a sûrement changé, et que Bowen pour survivre se lance dans des affirmations toujours plus fantaisistes (1/3 des enfants TJ en danger face à la pédophilie selon lui !!!), on peut penser assister à un retournement de situation.

J'ai déjà donné en lien le dans le paragraphe précédent des sites webs de Témoins de Jéhovah extrêmement critiques envers SilentLambs et Bill Bowen: Silentlambs exposed mais on peut en proposer d'autres comme dismythed, néanmoins le précurseur reste "ThirdWitness".

Il me semble pourtant que les Témoins tant individuels que dans leur action de groupe se tirent une balle dans le pied, les derniers jugements sont trop frais dans les mémoires, il est toujours possible comme l'affaire de Saint-Dié, de trouver encore des cadavres dans les tiroirs, bref la libération de la parole et le changement de stratégie semblent véritablement grossiers ou trop agressifs quand le mouvement notamment en France a été malmené sur le sujet tant devant les tribunaux, où les victimes ont obtenu réparations,que dans les médias, ceci étant aggravé par la communication désastreuse du mouvement; tentant d'étouffer sans succès la vague médiatique à coup de menaces ou de procès perdus. Certes l'affaire semble finie (encore ne faut-il pas oublier que la culture du secret, et l'aura des responsables religieux, peuvent toujours produire des dérives locales en raison du mode de fonctionnement jéhoviste plus qu'en raison des directives internationales ou nationales du mouvement), néanmoins n'y a-t-il pas des victimes de sévices à honorer, en demandant pardon pour le silence du mouvement AVANT de prendre soi-même le rôle de victime de la désinformation. Cet épisode démontre très bien comment le mouvement TJ n'arrive pas à se percevoir autrement que dans le rôle de la victime; quand il était prouvé qu'il était le bourreau, le mouvement se taisait, une fois l'orage écarté, le mouvement et les fidèles jouent leur partition favorite.

Dans tous les cas, Silentlambs et Bill Bowen devraient se remettre en cause, se poser pour réfléchir et faire un bilan. Au fond il devrait être fier de son travail, mais il est difficile pour quelqu'un qui est entré en lutte et a été un symbole, de se rendre compte que son travail est fini ou en tout cas bien diminué.

Espérons qu'il s'en rendra compte tout seul, sinon... cela pourrait être un discrédit médiatique ou judiciaire qui le lui ferai comprendre, et c'est là, le plus grand espoir des Témoins de Jéhovah qui semblent s'être mis en ordre de bataille, pour jouer ce coup, en changeant de stratégie depuis Octobre 2007.

Notes

[1] Voyez par exemple, là, je me souviens très très bien, on nous a fait prendre sous la dictée et là on explique que en réalité les anciens peuvent se retrancher derrière le secret confessionnel, qu'ils ne sont pas systématiquement tenus de dénoncer aux autorités un cas d'agression sur enfant, on explique que d'abord, avant de dénoncer éventuellement aux autorités, d'abord on va prévenir le service juridique interne, ensuite on va diligenter une enquête interne, ensuite on va former un comité judiciaire en interne, et éventuellement on explique, on laisse entendre que le collège déterminera la meilleure solution pour la congrégation et sa réputation, je cite. En ayant cité les articles du Code Pénal qui définissent le secret confessionnel, derrière lequel on peut se retrancher, se protéger.